Bruno, Pierre alias Pierrot64, Annick alias Toupinette et Valentin sont routiers. Ils font partie des milliers d’hommes et de femmes qui sillonnent nuit et jour les routes de France et d’Europe, à bord de leurs 44 tonnes. Face à l’essor fulgurant de l’e-commerce, ces trente dernières années, le trafic de poids-lourds a augmenté de 50%. Jamais, le monde n’a été aussi dépendant des routiers.                                                            

Indispensables, les routiers se sentent pourtant méprisés. Omniprésents sur nos routes, ils se qualifient eux-mêmes d’invisibles. Qui se soucie du ballet incessant de ces monstres et de leurs conducteurs auxquels les préjugés (chauffards, rustres, pollueurs, ...) collent à la peau ? Il est loin le temps où ils s’attiraient la sympathie des automobilistes, où l’émission de Max Meynier sur RTL, « Les routiers sont sympas », leur consacrait quatre heures d’antenne quotidienne et humanisait cette profession de l’ombre.                                                                     

Que savons-nous d’eux ? Qui sont-ils ? Ce film leur donne la parole. Soutiers de la mondialisation, variables d’ajustement du « flux tendu », fantassins du « just in time », la transformation de leur profession raconte l’évolution de notre société. Quelle image de nous-mêmes nous renvoient-ils ? Que révèlent-ils de nos incohérences, de nos contradictions ? Car c’est bien la schizophrénie de notre monde moderne qu’ils incarnent, celle où les aspirations environnementales, les envies de durabilité, de consommer moins et mieux, percutent notre impatience à jouir de tout, tout de suite, à moindre coût.                                                                

Ce documentaire est une plongée dans la vie quotidienne de routières et routiers et d’un apprenti. Parmi ces personnalités toutes attachantes, certains roulent depuis des dizaines d’années, d’autres démarrent seulement ou ont raccroché, épuisés. En immersion dans leur cabine, avec eux dans les restos routiers et les aires d’autoroute, ces solitaires habituellement taiseux s’ouvrent. Ils nous racontent la réalité méconnue d’un métier modeste. Avec générosité et franchise, ils nous dévoilent une communauté qui a perdu son traditionnel esprit de solidarité depuis qu’elle est confrontée à la concurrence internationale effrénée, à la guerre des prix et des salaires, à la révolution logistique, dans l’indifférence générale. Contraints sans cesse de s’adapter pour tenir et pour trouver du sens, le stress a des conséquences sur leur santé et leur vie privée. Malgré tout, avec humanité et humour aussi, tous partagent leur passion du métier, la fierté du travail accompli, leurs rêves comme leurs désillusions.